La perception du son

Le son, en tant que vibration, est un phénomène mécanique. Ainsi, il ne suffit pas qu’il arrive à notre oreille pour que nous entendions quoi que ce soit. Il faut que les vibrations soient traduites dans le langage de notre cerveau : les signaux bioélectriques. Il faut que cette transformation conserve les caractéristiques du son en question. Chez les êtres vivants, l’organe de traduction se situe dans le crâne afin de le protéger. Il faut donc aussi un système qui permette au son d’arriver jusqu’à cet organe sans subir de déformation. Ce chapitre traitera les parties du corps impliquées dans le processus qu’on appelle l’audition, chez les animaux autant que chez les humains.


1. L'audition chez les humains

a)La transmission

L'audition est le fruit d'un mécanisme complexe assuré par les deux oreilles pour permettre la perception binaurale (stéréophonie).

Pour qu’on puisse entendre, plusieurs transformations s'imposent dans notre oreille.

Les sons pénètrent dans le conduit auditif (transmission aérienne de l'onde sonore). Ces ondes mettent en vibration le tympan (énergie mécanique) qui jouxte l’oreille moyenne. Des osselets (Marteau, Enclume, Étrier) se transmettent cette énergie et l'amplifient. L’étrier rentre en contact avec la fenêtre ovale, point d'entrée dans l’oreille interne. Il s'y produit une énergie liquide qui met en vibration une membrane se trouvant dans le limaçon (ou cochlée). La vague va se différencier selon l’intensité du son et sa fréquence. Il se trouve dans le limaçon des cellules nerveuses (cellules ciliées) réparties sur la membrane basilaire. Celles-ci vont capter l'onde et produiront l’influx nerveux, énergie électrique. Celui-ci parvient au cerveau, grâce au nerf auditif et est analysé dans l'aire auditive. C'est la phase purement psychoacoustique de décryptage de l'information produite par l'énergie.

Voici la maquette que nous avons réalisée :


b)La perception sonore

L'oreille interne

Mécanisme le plus enfoui de l’oreille, l’oreille interne se situe dans le crâne lui-même. Elle est aussi appelée le labyrinthe osseux et comprend des organes très importants, protégés par l’os: le vestibule, qui nous permet d’avoir une sensation d’équilibre, et la cochlée, l’organe de la perception sonore. Le nerf auditif, se divisant en nerf cochléaire et nerf vestibulaire, pénètre dans la cavité et relie ainsi ces deux organes sensoriels au cerveau, au cortex auditif.

La cochlée

Le mot « cochlée » vient du Latin cochlea, ie le limaçon ou la coquille d’escargot. En effet cet organe est en forme de spirale conique. L’os qui forme la cochlée ne consiste qu’en un tube enroulé sur lui-même mais des membranes divisent celui-ci en trois canaux aux rôles spécifiques : les rampes tympanique et vestibulaire ainsi que le canal cochléaire situé entre les deux autres.


C’est par la fenêtre ovale que les vibrations de l’extérieur pénètrent dans le labyrinthe osseux. Elles se dirigent à la fois vers le vestibule et la cochlée. Les vibrations exciteront à la fois les récepteurs sensoriels situés dans les deux organes. Pour ce qui concerne la cochlée, les vibrations parcourent la rampe vestibulaire pour passer dans la rampe tympanique au niveau de l’apex (le sommet du cône cochléaire). Les vibrations sont ensuite transmises à l’oreille moyenne, où elles seront amorties, en traversant la fenêtre ronde située à la base de la rampe tympanique.

Le canal cochléaire comprend l’organe de Corti, l’élément sensoriel de l’oreille, recouvert de la membrane tectoriale. Deux sortes des cellules sensorielles s’y trouvent implantées : les Cellules Ciliées Externes qui ont pour rôle d’amplifier et filtrer les vibrations sonores alors que les Cellules Ciliées Internes transforment les vibrations en signaux bioélectriques et les transmettent au nerf auditif. Une oreille humaine compte environ 24 000 cellules ciliées, dont 3 500 sont des Cellules Ciliées Internes et 12 500 des Cellules Ciliées Externes (source : Wikipedia).

Les rampes vestibulaire et tympanique sont remplies de la périlymphe, un liquide contenant des ions sodium et chlorure. C’est un liquide quasi neutre. Le canal cochléaire, contient l’endolymphe qui lui est de charge positive à cause d’une concentration élevée en ions potassium.

La transduction

Les ondes de vibration se propagent dans toutes les directions et notamment font pression sur la membrane de Reissner, souple, et la met en mouvement.

La différence de pression entre les rampes tympanique et vestibulaire met en mouvement la membrane basilaire.

On parle de potentiel microphonique cochléaire car, comme un microphone, la cochlée transforme un phénomène mécanique en phénomène électrique (bioélectrique).



Voir l'animation Flash

c) Quel est le rôle du cerveau dans l’audition ?

L’audition, ce n’est pas seulement la réception et la transformation du son, c’est aussi la façon dont nous analysons et entendons les sons. Il est donc indispensable d’envisager le rôle du cerveau dans le processus. C’est le domaine de la psychoaccoustique, «l’étude des sensations auditives de l’homme» (définition de Wikipédia).

Une zone cérébrale très développée

Le traitement du son par le cerveau est très complexe et loin d’être compris. Parmi les cinq sens, c’est à lui qu’est dédié le plus de zones d’activité. Les caractéristiques des sons sont analysées dans des centres spéciaux. Il existe des centres cérébraux dédiés au langage (différent selon que la langue que l’on entend soit sa langue maternelle, une langue étrangère apprise ou une langue inconnue), on soupçonne qu’il existe un centre cérébral consacré à l’analyse de la musique. On a même découvert des cellules qui ne répondent qu’à des sons aux propriétés spécifiques.

Deux voies de transmission

Le son est transmis au cerveau de deux façons différentes. La première voie, la voie principale permet au son de parvenir rapidement au cortex auditif. La deuxième, plus lente, transmet les signaux bioélectriques au cortex polysensoriel.


http://auriol.free.fr/psychosonique/ecoute-Louis.htm

Les fonctions principales du cerveau dans l’analyse du son :



d) Quelques illusions auditives

Notre cerveau interprète parfois les sons de façon très bizarre…. Voici quelques exemples d’interprétations surprenantes :

Une des illusions auditives les plus répandues est celle de Shepard (1964). Grâce à une astucieuse utilisation des tonalités chaque « bip » nous parait être plus aigu que le précédent et le système semble infini !

Voici la démonstration de Shepard

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La démonstration utilise un jeu cyclique de tonalités complexes, chacune composées de 10 parties séparées par des intervalles d’octave. Les tonalités sont conçues de manière à avoir un niveau sonore correspondant au schéma ci-dessous. Les parties composant les tonalités sont augmentées régulièrement de l’équivalent d’un demi ton en musique, soit à peu près 6% d’augmentation par niveau. Cette illusion s’apparente à une illusion optique, les escaliers sans fin.


Un autre scientifique, Jean-Claude Risset, a aussi mis au point une illusion auditive du même type. Cette fois, on a l’impression que le son devient de plus en plus grave. Encore une fois, il ne semble pas y avoir de limite à cette descente.

Illusion de Jean-Claude Risset

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Grâce au programme Adobe Audition, il nous est possible de visualiser l’analyse des fréquences en fonction de leur force (en dB) en temps réel comme le montre cette vidéo. Les fréquences basses sont à gauche, les fréquences élevées à droite. On remarque que les pics de tonalité se déplacent du plus vers le moins aigu lentement. En descendant dans les fréquences les pics sont de plus en plus hauts en dB mais ne dépassent jamais une certaine valeur ni de fréquence ni de décibels. Lorsque un pic arrive à la limite des fréquences il disparaît alors qu’un autre moins puissant se forme dans l’aigu. Ce mouvement cyclique est infini. Les pics se déplacent bel et bien vers le grave. Le cerveau entend donc un son qui devient plus grave, pourtant il y a bien une limite dans cette descente (ici le son ne descend pas en dessous de -6 dB). C’est le fait que le son ne soit pas simple mais composé de bandes de fréquences différentes qui permet de tromper le cerveau. En remplaçant chaque bande qui disparaît par une autre on crée un cycle dans lequel le cerveau ne trouve aucun repère.

Une nouvelle illusion auditive d’un scientifique japonais:

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En écoutant ce fichier audio vous devriez entendre deux fois la même chose. Vous pouvez essayer de réécouter vous n’entendrez pas de différence entre le premier et le deuxième son. Pourtant ils sont différents. Toujours grâce à Adobe audition nous avons pu visionner le son avec la vue spectrale. En fait, cela permet de suivre les fréquences (sur l’axe des ordonnées) au cours du temps.


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Ainsi on remarque que le son est composé de deux parties. Dans le premier son c’est la petite bande descendante qui est coupée. Dans le deuxième son c’est la grande ascendante. Pourtant on entend exactement la même chose ! Face à des cas aussi proches, l’oreille entend bien tous les sons et leurs caractéristiques mais c’est le cerveau qui ne fait pas la différence.

2. L’audition chez les animaux

Tous les animaux ne produisent pas ni ne perçoivent la même gamme de fréquences de son. Certains animaux en particulier ont développé des mécanismes d’audition exceptionnels.

Voici quelques graphes qui montrent la gamme de fréquences perçue par certains animaux :


http://www.lsu.edu/deafness/HearingRange.html
http://www.teachersdomain.org/resources/tdc02/sci/life/reg/animalhear/index.html

Quelques exemples :

Animaux domestiques : le chien et le chat

Lorsqu’on souffle dans un sifflet de chien, celui-ci redresse la tête tandis que nous n’entendons rien. Le sifflet émet des ultrasons, que nous ne percevons pas mais que l’oreille du chien peut capter. Les chiens ont une audition supérieure à la nôtre grâce à la taille, la forme et la mobilité de leurs oreilles. En effet, leurs oreilles comportent plus de dix-huit muscles pour les fixer dans la meilleure position de réception.

Les chats peuvent percevoir une gamme de fréquences encore plus vaste que les chiens, mais il est plus difficile de tester leurs capacités car ils sont plus indépendants et ne répondent pas toujours comme on le voudrait.

Il ne faut pas oublier que les chats et les chiens domestiques appartiennent à une famille de chasseurs – les autres canins et félins (loup, hyène, ocelot, guépard) ont besoin d’une ouïe fine pour repérer et saisir leur proie.


http://animals.timduru.org/dirlist/dog/Calender_WhiteLabradorRetrieverDog_puppy.jpg
http://www.purinaone.com/images/articles/ill_canine_ear.gif
http://www.cat-world.com.au/images/BellaRose.jpg

La nuit : les hiboux

Les animaux nocturnes, et en particulier les carnivores, comptent énormément sur leur audition. Bien que leur vision soit plus perçante, ils ont besoin de l’ouïe pour détecter la position exacte de leur proie. C’est le cas de la chauve-souris, le blaireau, le renard, le lion…etc. De même, les animaux menacés par ces carnivores sont aussi souvent dotés d’une bonne audition. La gazelle, le lièvre, la souris ont tous une oreille fine qui les alerte de toute approche de danger.

Le hibou est un rapace nocturne dont l’ouïe remarquable n’est pas due à une perception d’ultrasons ou d’infrasons. La gamme de fréquence que leurs oreilles captent n’est pas très différente de la notre. Par contre, leurs oreilles sont beaucoup plus sensibles que les nôtres à des sons de fréquences particulières. De plus, leurs deux oreilles ne se situent pas à la même hauteur. L’oreille gauche, plus basse que l’autre, repère des sons situés sous l’animal alors que l’oreille droite repère des sons situés au-dessus de lui (voir schéma du crâne du hibou ci-dessous). Enfin, la forme elliptique du visage du hibou fait converger les sons vers ses oreilles.


http://www.carolina.com/owles/images/barn_face_4_sm.jpg

Les fameux éléphants

L’exemple des éléphants est très connu grâce aux expériences récentes et révolutionnaires par lesquelles on a découvert que ces animaux communiquaient en utilisant les infrasons. C’est grâce aux propriétés singulières de leurs oreilles qu’ils peuvent distinguer de tels sons : pavillon énorme, un long conduit auditif externe, les structures de l’oreille moyenne sont très grandes proportionnellement à ceux d’autres mammifères, la cochlée a une forme particulière privilégiant la perception des infrasons. Celles-ci se propagent plus loin que les ultrasons et dans les conditions optimales (la nuit), les éléphants peuvent s’entendre à des distances de 10km. On peut comprendre pourquoi c’est un don précieux pour ces animaux, qui ont une structure sociale complexe.


http://www.free-slideshow.com/screens/playful_elephants/playful-elephants.jpg
http://elephant.elehost.com/About_Elephants/Senses/Hearing/hearing.html


Ecouter le barrissement d’un éléphant
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Sous la mer : le requin, la baleine et le dauphin

Si les animaux nocturnes ont besoin de l’ouïe, il en est de même avec les animaux marins. L’Océan est un milieu perpétuellement sombre. Les animaux marins présentent les mêmes raisons d’avoir une ouïe développée que les animaux terrestres.

Le requin, prédateur redoutable, est particulièrement sensible aux fréquences irrégulières et basses émises par les poissons malades ou blessés.


http://www.teachersdomain.org/resources/tdc02/sci/life/reg/animalhear/index.html

Les dauphins et les baleines - les cétacés - utilisent un système de clics, de sifflements et de chansons pour communiquer entre eux et pour se faire une image du monde par écholocation : comme les chauves-souris, ils émettent des sons et déterminent la nature et la proximité des objets environnants par le son qui revient à leurs oreilles en rebondissant sur ces objets. Ceci les permet aussi de trouver leur nourriture. Alors que les dauphins émettent des sons de haute fréquence, les baleines produisent des sons de basse fréquence. Puisque le son se propage mieux dans l’eau que dans l’air, les baleines peuvent communiquer sur des distances considérables. Cette distance de propagation du son dépend aussi de la profondeur à laquelle se situe l’animal.

Les oreilles des cétacés ne comportent aucune partie extérieure. Le son entre par des ouvertures dans la peau, traverse des tubes de graisse situés dans leurs mâchoires avant d’arriver aux oreilles moyenne et interne (situé dans un os spécifique : le bulla auditif).


Ecouter des sons de dauphin
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Ecouter des sons de baleine
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Bilan

On voit d’après l’analyse de ces exemples qu’une audition plus développée sert principalement :

On remarque que l’audition des animaux dépend de la grandeur et de la forme de leur oreille. En règle générale, plus un animal est grand (et surtout, plus sa tête est large), mieux il perçoit les infrasons car la taille de sa tête permet un long conduit auditif externe, une large membrane tympanique et une grande cavité pour l’oreille moyenne. Au contraire, les petits animaux ont tendance à mieux percevoir les ultrasons.